L’influence paternelle

© Leslie Simpson – Brontë Parsonage Museum

Qualifié souvent d’excentrique, le révérend Patrick Brontë a offert à ses filles une éducation peu commune pour l’époque. Ils encouragea leur liberté et leur curiosité intellectuelles dans une approche narrative du savoir tout à fait originale. Issu d’une famille irlandaise de dix enfants, d’un milieu paysan très modeste, Patrick Brontë parviendra, à force de volonté et de talent, à mener de brillantes études à l’Université de Cambridge. Il a par la suite encouragé l’éducation de ses enfants (filles et garçon) d’une manière complètement en décalage avec les habitudes de son époque.

Il laissait entre autres à leur disposition tous les livres de sa bibliothèque, estimant que s’il les avait lus et appréciés, ses enfants devaient aussi y avoir accès. La postérité lui aura sans doute accordé trop peu de crédit pour cette grande liberté intellectuelle qu’il a offert à Anne, Charlotte et Emily et ce, tout au long de leurs vies.

Elles lui seront redevables du climat de grande curiosité intellectuelle et de culture qu’il a su insuffler à toute leur maisonnée.

Ellen Nussey, l’amie de toujours de Charlotte Brontë, se souvenait que lors de chacune de ses visites à Haworth, Patrick Brontë racontait des histoires à l’heure du déjeuner. Ellen et les enfants Brontë étaient alors adolescents, mais il semblait évident que le révérend faisait cela depuis toujours.

En fait, les méthodes d’enseignement inusitées de Patrick Brontë utilisaient les récits pour transmettre des connaissances, que ce soit en géographie ou en Histoire. Les enfants Brontë devaient retranscrire dans leurs propres mots ces leçons-récits le lendemain matin pour les mémoriser. L’accent mis sur ​​la narration, de même que la primauté accordée à l’imagination dans cette méthode d’enseignement, inscrivent Patrick Brontë comme héritier de la tradition romantique. Pour lui, la narration s’avérait aussi importante dans la culture de l’esprit que l’Histoire et les globes terrestres.

Tant pour ses sermons à l’église que pour l’éducation de ses enfants, Patrick Brontë possédait un don naturel et inné pour raconter, sans jamais se référer à des notes. Cette extraordinaire faculté lui venait de ses origines irlandaises. En effet, grand-père Hugh Brunty (Patrick changea l’orthographe de son nom en «Brontë» lorsqu’il étudia à Cambridge) était un conteur traditionnel du comté de Down en Irlande du Nord, dépositaire d’une somme importante de vieilles légendes et de chansons folkloriques. Il n’est donc pas surprenant de constater que son fils Patrick se plaisait tout particulièrement dans les récits extraordinaires et qu’il régalait ses enfants (de même que leurs rares amis) avec des histoires qui faisaient parfois frémir.

Parmi celles-ci, certaines anecdotes familiales et locales ont trouvé leur chemin dans les étranges événements du roman Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. D’autre part, la combinaison d’allégories politiques et de contes de fées dans les Juvenilias de Charlotte affiche la même fascination pour le gothique et le surnaturel. D’ailleurs, malgré sa timidité, Charlotte avait hérité de l’incroyable don oratoire de son père ; elle avait de ce fait acquis toute une réputation à l’école de Roe Head en pourvoyant ses camarades de récits épiques, largement agrémentés de somnambules, de châteaux obscurs et de gouffres enflammés.

L’amour de la narration et de la pédagogie a inévitablement conduit Patrick Brontë à prendre la plume pour rédiger ses propres histoires. En 1811, l’année précédant son mariage, Patrick Brontë publia ses Cottage Poems. Avec cette série de quatorze poèmes, Patrick Brontë souhaitait avoir une écriture simple qui pourrait être comprise par les plus modestes et les moins érudits.Voici ses autres publications : Winter Evening Thoughts (1810), The Rural Minstrel: A Miscellany of Descriptive Poems (1813), The Cottage In The Wood (1816), The Maid Of Killarney (1818), The Signs Of The Times (1835).

Avec un père aussi original et généreux dans son enseignement, de surcroit édité de son vivant, le génie littéraire des trois sœurs Brontë devient par le fait même moins énigmatique qu’il n’y paraissait à prime abord.

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